Posture de l’arbre, posture du cobra, posture du chien tête en bas, posture de la chandelle…. on peut en citer à la pelle. Quand j’entends cela, je vois directement une posture physique qui prendrait telle ou telle forme. Et pourtant c’est dommage, car en utilisant le mot « posture » au lieu du mot sanskrit « āsana », on se prive de la richesse de ce vocabulaire.

Soyons factuel et voyons donc les définitions respectives de ces mots :

Posture : Nom féminin. Position du corps ou d’une de ses parties dans l’espace : posture naturelleTechnique de kinésithérapie utilisée pour prévenir ou corriger une mauvaise position. Figuré : attitude adoptée pour donner une certaine image de soi ; positionnement tactique : une posture de rebelleSynonymes : attitude – contenance- pose. Source : Dictionnaire Larousse

Āsana : Substantif neutre. Ās- : assise, attitude, posture -ana : faire, le fait de faire. La traduction du mot āsana serait donc : le fait de s’asseoir.

Mmmm, c’est à dire ? Comment je fais pour m’asseoir dans la posture de l’arbre ou du cobra ??? La réponse est simple et pourtant, il est bon d’y revenir encore et toujours. Pratiquer les āsana, pratiquer les postures, c’est s’asseoir en soi. Comment je réside en moi. Comment je m’habite. Là, on voit bien alors qu’il n’y a pas de limite dans la pratique les āsana.

La recherche pour aller vers soi n’a pas de fin, c’est une recherche perpétuelle, et elle est plus difficile qu’elle n’y paraît. N’importe qui ayant déjà pratiqué le yoga connait ces moments où notre corps s’organise docilement, automatiquement dans une posture, pendant que notre tête est en train de penser à la liste des courses. De même, nous n’avons pas tous les dispositions physiques pour nous sentir tranquilles en nous tout en passant la jambe derrière la tête. En revanche, être bien installé à l’intérieur de soi, c’est quelque chose que l’on peut faire à n’importe quel âge, quelque soit notre condition physique.

Résider en soi, donc. Tout l’inverse du sens figuré, qui nous parle de quelque chose de feint, de construit, presque d’un peu faux. D’ailleurs quand j’ai tapé « posture » dans ma barre de recherche, Google m’a suggéré : « posture définition sociologique », « posture intellectuelle » « posture morale », « posture professionnelle Wikipédia » et « posture politique ». Des propositions qui m’évoquent pour la plupart la construction, parfois intéressée. Et là encore c’est bien dommage, car le yoga nous propose un programme tout autre, puisqu’il nous invite à cultiver l’honnêteté, l’authenticité et la sincérité, pour soi et avec les autres (les fameux yama et nyama des yoga-sūtra de Pataňjali).

C’est pourquoi je me questionne de plus en plus sur ce mot de posture, dans le yoga comme dans le monde professionnel. Je ne parle pas ici de la posture professionnelle physique, des troubles musculo-squelettique etc. Je pense ici à la contenance qu’on se donne pour rentrer dans les clous. Ou encore : l’attitude qu’on prend pour répondre à ce qu’on croit que les autres attendent de nous. Bref, tout ce qui est construit par l’extérieur, et non pas de l’intérieur. Franchement, à quel moment a t’on commencé à trouver ça normal de devoir se donner une « contenance » au travail ? « Être professionnel » exprime selon moi l’idée d’être bon techniquement et humainement dans ce qu’on fait. Mais en quoi cela empêche t’il d’être soi-même ? Et même, peut-on être vraiment professionnel si on n’est pas connecté à qui on est ?

(Cela me fait penser ici aux réflexions que mène Valériane Eulry, fondatrice de Coon, sur le marketing d’adhésion, qui prône justement une approche sincère de son business à partir de qui on est, pour (re)mettre du sens dans ses actions professionnelles)

Tout ça pour dire que ce n’est pas du luxe de s’interroger régulièrement à ce sujet. Et puisque ce qui se passe sur le tapis n’est qu’une expression de ce qui se passe dans nos vies, alors nous pouvons régulièrement nous poser la question : suis-je dans une posture, ou suis-je dans l’āsana ?

Loin des positionnements tactiques, des poses et des contenances, je vous souhaite des très bonnes fêtes de fin d’année, librement vous-même.

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